Projet de loi de finances : quels scénarios pour les dispositifs de financement de l’innovation ?

Les modifications apportées aux régimes de faveur que sont le crédit d’impôt recherche (CIR), le crédit d’impôt innovation (CII) ou le statut de jeune entreprise innovante (JEI) sont discutées chaque automne dans le cadre du volet « recettes » de la loi de finances et dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale. Cette année, l’absence de majorité à l’assemblée a permis à plusieurs groupes d’opposition de faire voter des amendements qui introduisaient d’importantes modifications dans ces régimes : suppression de certaines dépenses ou exonérations, plafonnement des assiettes de dépenses, conditionnalité, etc. Le CII par exemple a été supprimé, puis rétabli par amendement, puis le Sénat a voté son maintien, mais avec un taux minoré (20% au lieu de 30%).

Quelles seraient les conséquences d’un projet de loi spéciale ?
Avec la chute du gouvernement le 5 décembre dernier, quels sont les scénarios possibles ? Une note interne de l’Association des conseils en innovation (ACI), à laquelle nous adhérons), préparée par le cabinet Taddeo, identifie le recours à une loi spéciale comme le scénario le plus vraisemblable. Un gouvernement, qu’il soit démissionnaire ou nouveau, peut user de l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Celui-ci permet de s'appuyer sur un « projet de loi spéciale » pour faire voter le budget de l’Etat. Ce projet de loi doit être soumis avant le 19 décembre. Il permettrait au Gouvernement de continuer à percevoir les impôts existants et d’exécuter les dépenses publiques jusqu'à l'adoption d'un budget formel en 2025. Ceci devrait, en pratique, prolonger le budget de 2024.
Par conséquent, les évolutions du CIR et du statut JEI votées par le Sénat ne s’appliqueront pas dans l’immédiat. En revanche, le CII arrive à échéance le 31 décembre 2024. Sera-t-il prolongé dans le cadre d’une loi rectificative en 2025 avec effet rétroactif au 1er janvier ? Par ailleurs, les entreprises qui attendaient la validation d’un dossier de demande de financement par le plan France 2030 sont bloquées jusqu'à l'adoption, éventuelle, de la loi rectificative. Or, le dispositif CII et les aides publiques sont essentiels pour la survie de nombreuses startups.

L’écosystème de l’innovation est entré en ébullition.
Depuis la présentation du projet de loi de finances en conseil des ministres, de nombreuses associations professionnelles telles que France Innovation, la French Tech, France Digitale, etc. ont réagi en publiant des tribunes dans la presse économique. Notons, par exemple, « Innover et réindustrialiser : jamais sans le CIR », publiée le 29 novembre dernier dans le quotidien la Tribune, avec de nombreux signataires (ANRT, comité Richelieu, MEDEF, France Innovation, etc.). L’Association du Conseil en Innovation a de son côté incité ses membres à prendre contact avec leurs clients afin qu’ils adressent à leurs sénateurs et députés un plaidoyer en faveur de la stabilité des dispositifs de financement de l’innovation. Celui-ci demande :
  • La reconduction du Crédit d’impôt innovation (CII) jusqu’en 2027
  • La préservation du CIR dans sa dimension actuelle
  • Le rétablissement de l’exonération de cotisations sociales patronales conférée par le statut de Jeunes entreprises innovantes (JEI).
Ces tribunes alertent les pouvoirs publics sur le risque de perte de compétitivité industrielle que représenterait une diminution de ces avantages fiscaux et sociaux. Pour les TPE et PME, le CIR et le CII représentent une forte incitation à investir dans la R&D. Pour les groupes internationaux, le CIR est un facteur d’attractivité dans le choix de localisation des centres de R&D. Or, en matière de R&D, ces groupes sont souvent d’importants donneurs d’ordre vis-à-vis des PME françaises. Nos parlementaires sauront-ils s’en souvenir en début d’année prochaine ?