Porter la négociation entre les CSE et les employeurs

Porter la négociation entre les CSE et les employeurs

Contrairement à ce l’on pourrait penser en lisant la presse grand public, les ordonnances Macron ne se sont pas limitées à l’établissement de planchers et de plafonds encadrant les indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. D’autres réformes ont également été portées, notamment celle des expertises lancées par les comités d’entreprise transformés, par ces mêmes ordonnances, en comités sociaux et économiques (CSE). Des changements rarement mis en lumière alors qu’ils viennent redéfinir en profondeur les rapports entre les CSE et les employeurs, comme nous l’expliquent Frédéric Fayan-Roux, avocat associé dans le cabinet Fayan-Roux, Bontoux & associés et Philippe Benech, Directeur du métier Expertise Sociale et RH de BDO.

 

Le CSE, une instance unique

Conformément aux ordonnances Macron, un comité social et économique devra être mis en place dans les entreprises d’au moins 11 salariés, au plus tard le 1er janvier 2020. Il remplacera l’ensemble des institutions représentatives du personnel de l’entreprise, à l’exception des délégués syndicaux. Autrement dit, le CSE se substituera aux délégués du personnel, au comité d’entreprise (CE) et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Et, au-delà de la fusion des organes de représentation, les ordonnances instaurent un cadre de négociation entre le CSE élu et l’employeur. « Alors que de nombreux principes de fonctionnement des CE, notamment en matière d’information et de consultation, étaient régis par la loi, il sera possible de négocier des aménagements ou des adaptations avec les élus des CSE. C’est un changement majeur », précise Frédéric Fayan-Roux. L’employeur pourra ainsi conclure un accord d’entreprise ou, en l’absence de délégué syndical, un accord avec les élus du CSE. Pourront notamment être définis dans le cadre de ces négociations le contenu, la périodicité et les modalités des consultations récurrentes du CSE. « Un accord pourra, par exemple, prévoir que la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise ne soit plus annuelle mais triennale. Sachant que si aucun accord d’entreprise ne voit le jour ou n’est passé entre le CSE et l’employeur, c’est le régime légal qui s’applique », rappelle Philippe Benech. Dans cette configuration, le CSE devra être consulté chaque année sur les orientations stratégiques de l’entreprise, sa situation économique et financière et enfin sur sa politique sociale, ses conditions de travail et l’emploi.

 

L'impact sur les expertises

« Pour permettre aux représentants du personnel d’être informés correctement et ainsi de pouvoir exprimer un avis éclairé, il existe, depuis les années d’après-guerre, un droit légal à se faire assister par un expert-comptable. D’abord initié pour permettre une meilleure compréhension de la situation économique et financière de l’entreprise, ce droit a été étendu à certains documents prévisionnels et à des cas exceptionnels comme le droit d’alerte ou la mise en œuvre d’un plan social », rappelle Philippe Benech. Les ordonnances Macron ne remettent pas en question ce droit destiné à permettre aux CSE de bénéficier d’un niveau d’information et de conseil égal à celui de la direction. En revanche, certains changements méritent d’être signalés. D’abord, corollaire de la possibilité de négocier sur les consultations/informations, des accords peuvent être passés concernant les expertises. Ainsi, leur nombre peut être défini et ce, indépendamment du nombre de consultations récurrentes elles-mêmes arrêtées dans le cadre d’un accord d’entreprise ou signé avec le CSE. « Ensuite, et cela participe de la responsabilisation des CSE, ces derniers seront désormais tenus de définir un cahier des charges qui fixera l’étendue de la mission de l’expert. En réponse, l’expert contacté devra adresser un budget prévisionnel à l’entreprise ainsi qu’une information sur la durée de l’expertise », précise Frédéric Fayan-Roux. Ce nouveau cadre devrait limiter les frictions qui peuvent naître entre les représentants du personnel et l’employeur sur l’étendue de l’expertise et son montant.

 

Des changements budgétaires

Outre définir le champ d’action des experts qu’il choisit, le CSE devra également financer pour partie son travail. « Jusqu’à présent, seule la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise était financée à hauteur de 20 % par les CE. Les autres étaient totalement prises en charge par l’employeur. Désormais, il n’y aura plus que les expertises en rapport avec la situation économique de l’entreprise, la politique sociale, les licenciements collectifs ou en cas de risques graves qui seront assumées uniquement par l’employeur. Toutes les autres expertises seront cofinancées selon la règle des 20/80 », précise Philippe Benech. Un cofinancement qui est assorti d’une nouvelle règle budgétaire dont pourront bénéficier les CSE. Pour rappel, jusqu’à présent, il était interdit de réaffecter les excédents du budget des activités économiques et professionnelles (AEP) des CE (budget sur lequel sont notamment prises en charge les expertises), anciennement dénommé « budget de fonctionnement », vers l’enveloppe sociale destinée à financer ses actions sociales et culturelles. Cette interdiction justifiée au nom de la préservation des prérogatives économiques des CE a été levée par les ordonnances Macron. Par délibération, les CSE pourront ainsi décider de transférer tout ou partie des montants de l’excédent annuel du budget des AEP vers le budget social ou de faire l’inverse. « Cette perméabilité des budgets est la bienvenue. C’est une décision pragmatique du législateur qui vient entériner des pratiques qui, bien que non autorisées, étaient quelquefois mises en œuvre dans les entreprises au risque.

 

Pour en savoir plus, contactez-nous.