Entreprise à mission : une dynamique insuffisante
Entreprise à mission : une dynamique insuffisante
Promulguée en 2019, la loi Pacte vise à encourager la croissance et la transformation des entreprises sur la base d'enjeux sociaux et environnementaux. Cinq ans après, la dynamique reste insuffisante selon Maxime Cros : il encourage les entreprises à mieux incarner leur raison d'être.
Dans la lignée des accords de Paris, l’Etat a souhaité encourager la transformation des entreprises vers la mise en œuvre d’un nouveau modèle de développement, à même de répondre aux défis sociaux, sociétaux, climatiques… auxquels nous sommes confrontés.
Ainsi, la promulgation de la loi PACTE visait à accélérer l’avènement d’une performance responsable, et d’inciter les entreprises à être pleinement actrices de la transformation du monde qui nous entoure. Entre autres, cette initiative invitait les entreprises à se doter d’une raison d’être qui caractérise l’altruisme de leur activité, en l’inscrivant au service de l’intérêt général.
5 ans après la mise en œuvre de ce dispositif, revenons sur les principaux enseignements.
Environ 1 500 sociétés se sont lancées dans l’aventure de l’entreprise à mission sur un objectif de 10 000 en 2025, soit approximativement 1% du tissu entrepreneurial français (hors micro-entreprises). Ainsi, la marge de progression reste encore importante d’ici les quelques mois qui nous séparent de l’échéance.
Par ailleurs, l’esprit de la loi PACTE est en partie dévoyé puisque moins de la moitié des entreprises ayant adopté la qualité d’entreprise à mission ont formulé leur raison d’être en lien avec leur cœur d’activité, et environ un quart d’entre elles ont défini une raison d’être sans lien avec leur activité.
En synthèse, la loi PACTE a impulsé une dynamique mais son appropriation par les entreprises reste encore insuffisante pour opérer une véritable transformation Sociétale.
Ce sentiment se vérifie dans l’édition 2023 du baromètre Meaningful Brands. En effet, la majorité des consommateurs estime que 3 marques sur 4 pourraient disparaître sans que cela les gêne. Autrement dit, cela signifie que les consommateurs ne perçoivent pas la raison d’exister de ces marques. Ce résultat sous-entend que l’expérience consommateur ne reflète pas suffisamment la raison d’être, et que son incarnation par l’Organisation devient pressante.
Finalement, une partie des entreprises qui s’emparent du sujet le fait aujourd’hui davantage à des fins d’image et de communication, que pour matérialiser leur croyance en leur rôle au sein de la Société.
A contrario, un grand nombre d’entreprises qui incarne un Why puissant ne ressent pas le besoin de devenir une entreprise à mission dans le cadre défini par la loi PACTE, et encore moins de communiquer sur le sujet. Ce sont davantage des entreprises en mission ! Elles ont intégré depuis longtemps que les résultats économiques sont à la fois la conséquence de l’incarnation de leur raison d’être et le moyen de continuer à l’incarner durablement, reprenant ainsi le précepte d’Henri Ford : « L’entreprise doit faire des profits sinon elle mourra, mais si l’on tente de faire fonctionner l’entreprise uniquement sur le profit, elle mourra également car elle n’aura plus de raison d’être. »
Ce type d’entreprise se distingue par une raison d’être inspirante, qui décrit comment elle entend placer son action résolument altruiste au service du monde qui l’entoure, à travers des engagements sociaux, sociétaux et environnementaux. Par ailleurs, cette raison d’être est vibratoire tant en interne qu’en externe car l’entreprise a entrepris un véritable travail d’alignement avec sa mission à travers son action au profit de ses parties prenantes.
Ainsi, la raison d’être est vécue au quotidien par chacune des parties prenantes, qui parviennent à la matérialiser dans les choix stratégiques, le modèle d’affaires, l’expérience client, le management, la gouvernance… les gestes métiers et les postures du quotidien. Et l’incarnation de cette raison d’être perdure malgré les changements de dirigeant et le renouvellement des équipes, car l’Organisation en est propriétaire et se charge de faire converger les énergies vers ce point de ralliement au service de la performance durable.
Pour réussir, il convient concrètement d’impliquer les différentes parties prenantes dans la démarche de définition de la raison d’être et des engagements associés, de consacrer du temps à leur appropriation par une évaluation de leurs impacts en matière de transformation, et de les rendre opérationnels par la définition et le pilotage de feuilles de route uniques qui réconcilient enjeux financiers et extra-financiers dans chaque direction métier.
Désormais, il s’agit donc pour les entreprises à mission d’être de véritables entreprises en mission, ce qui passe par leur engagement dans un processus de mise en cohérence qui implique la mise en œuvre de transformations à la hauteur de leur vocation. C’est ce changement de paradigme qui permettra aux Organisations de garantir leur performance durable et de contribuer à la métamorphose du monde.
Tribune reprise par Les Echos